Extrait de " Conférence du jeune Barreau de Liège"
LES GENS DE ROBE LIEGEOIS ET LA REVOLUTION DE 1830 - LIEGE 1931
Georges Thone, Editeur
Avocat près la Cour d'Appel de Liège Secrétaire du Congrès National
Le Barreau liégeois s'honore, à juste litre, de la contribution large et précieuse, qu'apportèrent ses membres, à la constitution de l'indépendance de notre patrie. En évoquant les grandes figures qui firent la Révolution et auxquelles on doit aujourd'hui de pouvoir clôturer le premier siècle de liberté par un bilan aussi remarquable, on pense tout naturellement à celle de Joseph Forgeur.
Avocat à vingt-deux ans, il fut présenté au serment par celui qui devait rester son maître : le grand avocat français, réfugié chez nous, Me Teste.
Joseph Forgeur appartenait à cette jeunesse audacieuse, enthousiaste et fougueuse, follement éprise de liberté, et si bien faite pour les événements qui allaient se dérouler. Préparé par son âge, ses sentiments et ses études, ainsi qu'il le disait lui-même, au grand rôle qu'il sera appelé à jouer, il y consacrera toute sa vie et fera, tant au Barreau qu'en politique, une carrière brillante et féconde.
A vingt-cinq ans, on l'aperçoit parmi les éléments les plus avancés de notre Cité de Liège, aux côtés des Rogier, Lebeau, Devaux et tant d'autres, participant aux campagnes de presse contre les abus et les vexations du régime orangiste, collaborant au Mathieu Laensbergh et au Courrier de la Meuse, dont il fut le défenseur, ce qui en 1829 provoqua sa suspension.
Il se distingue, dans ce procès célèbre, en se faisant le champion de la liberté de la presse. Il y avait vingt-sept ans.
Son énergie le promut aux fonctions de commandant en second, puis de secrétaire de la garde urbaine, et lui valut de traiter plus tard en cette qualité de la reddition de la citadelle de Liège.
Son talent oratoire et les nombreuses marques de patriotisme, dont il avait fait preuve, le firent élire membre du Congrès national, par le district de Huy, le 10 novembre 1830. L'Assemblée lui assigna le poste de secrétaire.
Retracer ici l'importante participation de Forgeur dans l'œuvre magistrale de l'affranchissement de la Belgique, est chose peu aisée, tant il est de toutes les discussions, tant il est auteur de nombreux projets, et, pour n'en citer qu'un, le contre-projet de Constitution qu'il présenta avec Fleussu, Liedts et Barbanson.
Sa personnalité est marquante et réalise un type dont nous trouvons dépeints, dans les journaux de l'époque, le physique et le moral en termes expressifs.
Le voici d'après les esquisses du Congrès, brossées par le Méphistophélès :
« M. Forgeur n'a pas trente ans, sa tète est blonde et frisée ; il a de grands yeux d'un bleu foncé, pleins d'expression et de vivacité; quand il parle, un sourire railleur et dédaigneux est continuellement sur sa bouche; sa tête se balance régulièrement sur ses épaules, ses gestes ont quelque chose d'impérieux et de tranchant.
» Le Secrétaire Vagabond » du Congrès est le moins propre avec M. de Brouckère à rester en place, courant à droite, à gauche, s'asseyant, se levant, montant, descendant, se tourmentant sur son banc ; on dirait en vérité, qu'il essaye de personnifier le mouvement perpétuel. »
II avait, en effet, l'habitude de se promener dans la salle au cours des séances, ayant, disait-il, des inquiétudes dans les jambes ; il se faisait alors interpeller par le «Malin Bonhomme», M. Surlet de Chockier, son Président, qui lui criait : « Remontez au bureau, M. Forgeur, que diable, on dirait que nous avons la peste ici. »
« Ce qui distingue le talent de l'honorable député de Huy, rapportait-on de lui, c'est un accent de conviction, une chaleur de paroles, vraie, réelle, entraînante. Il n'a pas l'élégante et classique pureté de M. Van de Weyer, l'accent âpre et mordant, l'élévation d'idées de M. Lebeau, mais c'est peut-être mieux encore : il s'empare de votre esprit, il vous émeut, il vous entraîne, c'est là le grand art qu'on cherche vainement. Eludes et soins ne peuvent les acquérir, c'est la nature qui les donne. M. Forgeur est orateur, et son mérite est d'autant plus grand qu'il lui manque une qualité physique tout à fait essentielle ; au lieu de la voix suave de M. Van de Weyer, au lieu de l'organe rude et pénétrant de M. Lebeau, l'honorable député n'a qu'un maigre filet de voix ; son ton de fausset devient aigre et criard lorsqu'il s'échauffe, et c'est presque un prodige pour lui de se faire écouter avec plaisir. »
Moins profond, moins nerveux que M. Lebeau, il est moins que lui dominé par les systèmes, il a sur M. de Gerlache, l'immense avantage d'un homme de tribune sur un homme de cabinet.
Lorsque la discussion devient confuse et les idées imprécises, M. Forgeur intervient, coupant court le débat, ramenant l'assemblée à la question, l'empêchant de s'écarter du sujet, résumant l'argumentation avec clarté, rédigeant immédiatement les conclusions à déduire, et dans les rapports officiels, on peut lire à la suite de maintes interventions : « Ces conclusions sont adoptées. »
II a le génie de l'improvisation et se distingue notamment dans la discussion sur le choix du chef de l'Etat. Considérant comme seule possible, la protection de la France, il défendit la candidature du duc de Nemours avec son admirable logique et cette puissante sagacité qui lui faisait sentir en un instant tous les côtés faibles de l'argumentation de ses adversaires. Ainsi a-t-il éclipsé en un seul jour, les deux plus grandes réputations de Liège : MM. de Gerlache et Lebeau.
M. de Gerlache, dans un discours écrit, où toutes les ressources de l'esprit avaient été épuisées, soutenait le duc de Leuchtenberg; M. Forgeur se leva pour la réplique, et les raisonnements de M. de Gerlache si bien combinés, ses plaintes si adroites, son avenir si chargé de nuages, tout cela fut mis à néant. M. Lebeau, à son tour, prit la parole et se montra supérieur ; M. Forgeur se leva une seconde fois et il en fut de l'improvisation de M. Lebeau comme du discours écrit de M. de Gerlache. Le duc de Nemours fut élu par 97 voix contre 74 pour le duc de Leuchtenberg et 21 pour l'archiduc Charles d'Autriche. Et le journal auquel ce fait est emprunté, d'ajouter : « C'est là un bel épisode dans la vie de M. Forgeur, je doute qu'il y pense jamais sans le sentiment d'un noble orgueil et d'une haute confiance en lui-même. »
II fut particulièrement brillant dans les discussions du contre-projet de Constitution. Citons, entre autres, son intervention dans la question très importante de l'admission des étrangers aux emplois publics (Art. G) et son discours remarquable sur les dispositions relatives à l'indépendance du clergé, où il obtint un très vif succès dans la discussion sur l'article 12 du projet de constitution ainsi conçu: "Toute intervention de la loi ou du magistrat dans les affaires d'un culte quelconque est interdite."
M. Defacqz présentait un amendement demandant la suppression de cet article présentant de graves dangers à propos du mariage purement religieux. De nombreux abus avaient surgi à la suite d'un arrêté du 16 octobre 1830, du gouvernement provisoire faisant disparaître toute entrave à L'exercice du culte. Plusieurs mariages avaient été célébrés religieusement avant de l'être devant l'officier de l'état-civil par ignorance des époux.
L'opinion contraire estimait qu'en favorisant le mariage civil, on favorisait les alliances purement civiles, ce qui était scandaleux ; que le concubinage résultant pour la loi civile, d'une union purement religieuse, était moins à craindre que le divorce civil entraînant la bigamie aux yeux de la loi religieuse.
Me Forgeur prit la parole, pour mettre les choses au point, en partant du principe qu'exiger le mariage civil avant le mariage religieux, n'est nullement une atteinte à la liberté des cultes... «On veut la liberté des cultes, disait-il, que deviendrait celte liberté, s'il vous était permis de vous immiscer dans les affaires de la religion? Mais Messieurs, que feriez-vous en défendant au prêtre de célébrer le mariage religieux avant le mariage civil ? Serait-ce vous immiscer dans les affaires de la religion? Serait-ce dire que l'Etat peut obliger un prêtre ou lui défendre de célébrer un mariage? En aucune façon; l'Etat ne dit pas au prêtre : Vous serez forcé de départir la bénédiction nuptiale ou de la refuser quand je vous le prescrirai ; mais il dit : au nom, et dans l'intérêt de tous, je veux que le mariage soit d'abord contracté civilement ; vous prêtres, vous marierez, si vous le trouvez bon, les individus que j'aurai déclarés aptes au mariage, vous pouvez refuser de les marier si tel est votre bon plaisir : je n'ai, ni le droit, ni la volonté de vous y contraindre. Voilà ce que vous dites, Messieurs, et ainsi vous opérez sur la société tout entière, vous agissez dans l'intérêt des masses. »
Celte preuve de bon sens et de conciliation recueillit l'approbation de toute l'Assemblée.
La question si délicate de l'indemnité parlementaire ou du traitement, encore si disculée actuellement, fut également l'objet des débats aux séances du Congrès.
M° Forgeur partisan de l'indemnité émettaient cette thèse : « Si vous refusez un traitement raisonnable, vous n'aurez que l'aristocratie. Me de Celles nous a dit que ce n'était pas à craindre; que les jeunes qui n'auront pas10.000 livres de rentes viendront à la Tribune pour se faire un nom ; que c'était le meilleur moyen de se faire connaître et d'acquérir de la fortune et des places. Mais c'est précisément ce que nous voulons empêcher. Nous ne voulons pas que les jeunes soient dirigés vers la tribune par des idées d'ambition ; nous ne voulons pas que leurs votes puissent être payés par des places ou par de l'argent; nous ne voulons pas en un mot qu'un pouvoir de corruption nous les enlève, mais qu’ils restent dans une honorable indépendance, à l'abri du besoin, et dans les rangs populaires. Messieurs, la question que vous allez décider est de la plus haute importance dans un gouvernement représentatif. C'est une question d'existence et de vitalité pour le pays. La classe moyenne peut seule le représenter convenablement, sans cela, adieu la liberté, adieu les intérêts de ce bon peuple que je défends. » L'indemnité de 200 florins par mois fut votée. C'est encore au milieu de la plus profonde émotion et dans un silence recueilli, qu'il persuada l'assemblée de voter pour la monarchie constitutionnelle représentative, sous un chef héréditaire.
Esquissant un tableau clair et précis de ce qui devait être plus tard la forme du gouvernement, M. de Robaulx, chaud partisan de la forme républicaine, élective et non héréditaire, voulait faire décider cette grave question par un référendum, et interpellait les progressistes monarchistes en ces termes : ... « Cette jeunesse nouvelle, ardente, audacieuse, même quand il s'agit du bien de la patrie, est animée d'un désir d'ordre et de réparation ; elle porte le cachet du siècle qui l'a vue naître: c'est vous dire assez qu'elle n'est pas imbue de ces idées gothiques qui ont enfanté des droits de naissance et d'aînesse dans le gouvernement. »
Cette jeunesse qui a fait partie du siècle qui a combattu, qui compose la masse que l'on a calomniée en la traitant d'ignorante et en la considérant comme ne raisonnant pas, cette jeunesse, dis-je, est prête à démentir cette opinion erronée ; elle nous crie qu'il est temps enfin de faire justice de l'hérédité des gouvernements, et de lui donner un chef qui soit digne d'elle, et qu'elle ne conservera que pour autant que les talents et la vertu le soutiennent ; voilà où la philosophie du siècle nous a mené.
Précisant avec une admirable netteté de vue, Me Forgeur dans une fougueuse improvisation réhabilita cette jeunesse, en s'écriant : « Par mon âge, par mes sentiments, par mes études, j'appartiens à cette génération nouvelle dont on vous a parlé; je viens protester en son nom à cette tribune. La République n'a qu'une faible minorité dans la nation, ainsi que dans cette assemblée, cette génération ne regarde pas la progression comme incompatible avec le repos. Elle veut, comme on vous a dit, ce gouvernement qui associe la stabilité et le mouvement. La monarchie, telle que nous l'entendons est bien préférable à la République, qui ne serait que le régime de quelques turbulentes incapacités. La progression sera continue, mais sans secousse. Nous aurons toutes garanties d'ordre et de liberté. L'hérédité réduira au silence toutes les ambitions, ou les forcera à descendre dans une sphère inférieure.
» Je ne sais si la législation se composera de deux chambres. Quoi qu'il en soit, il y aura une représentation nationale directement élue. Pas de redressement de grief, pas de subside, sera la loi suprême. Le chef de l'Etat n'aura qu'un pouvoir neutre; il rectifiera l'action de tous les pouvoirs, l'exécution sera donc le Ministère; si le Ministère est inhabile, il sera privé des moyens du Gouvernement ; s'il est coupable, il sera puni. Chaque commune, chaque province, s'administrera elle-même, par les hommes de son choix.
» Voilà la Monarchie comme nous l'entendons, ou comme l'entendent tous ceux qui ont l'intelligence des temps et à qui l'histoire et les faits ont appris quelque chose. »
II eut la plus noble attitude encore le 1er juin 1831, dans la discussion d'un projet de nouveau plan de négociation avec la Conférence de Londres ; l'on se disposait à prolonger les négociations avec Londres, risquant de s'engager dans les voies tortueuses de la diplomatie et de se laisser duper.
Le Gouvernement demandait à être autorisé à entamer de nouvelles négociations sur les questions territoriales, au moyen d'indemnités pécuniaires et à donner un nouveau délai au Prince pour l'acceptation de la Couronne.
Mes Beyts et Jottrand avaient proposé un amendement, disant que le Congrès n'entendrait pas reconnaître la nécessité d'accepter le Protocole du 20 janvier 1831, ni les protocoles subséquents, relatifs à la dette ; que le chef de l'Etat à élire, aurait à accepter endéans le mois de son élection, et prêterait serment dans la quinzaine, à peine de voir son élection non avenue. 11 ne s'agissait pas de passer par les conditions de la Conférence, qui subordonnait la condition d'acceptation du Prince à l'acceptation des Protocoles, relatifs à la dette, car plus tard, on n'aurait plus la faculté de repousser ces Protocoles.
M. Jottrand demandait à ce que l'on réduise encore les délais de négociations. C'est, au moment très grave, où le pays attendait depuis plusieurs années dans l'anxiété, qu'on lui donnât un chef et que l'intégrité de son territoire fût sauvegardée, que le Congrès allait s'engager dans de nouvelles voies diplomatiques.
C'est alors que M. Forgeur fit sonner aux oreilles de ses auditeurs ahuris, ce langage fier et cinglant: «Les temps sont bien changés; Messieurs, je me souviens d'avoir assisté à des séances du Congrès où l'on avait ici la conviction que la nation pouvait par elle-même, et sans conseils du dehors, terminer sa Révolution. Je me souviens alors que les menaces des puissances étaient dédaignées dans cette enceinte dès que l'on répondait aux notes de la Conférence par des protestations énergiques ; je me souviens de l'exclusion des Nassau, prononcée en présence et malgré les menaces des puissances; je me souviens de l'attitude noble et imposante du Congrès lorsqu'on vint vous menacer de faire envahir le Luxembourg par la Confédération germanique... Où en sommes-nous aujourd'hui? Qu'est devenu notre patriotisme?... mort ou presque mort?... »
Ici, disent les rapports, éclate une explosion de mur mures telle qu'il serait impossible d'en donner une idée.
L'Assemblée tout entière se lève en criant: « A l'ordre, à l'ordre», tandis que les tribunes applaudissent l'orateur, qui poursuit : « Qu'on fixe un délai pour l'acceptation du prince... présentez-lui la couronne sans conditions... Mais la lettre de Lord Ponsonby vous convie à faire le contraire. Fixez donc un délai ; car, lorsque la Conférence saura, qu'après ce délai, la Belgique est prête à prendre des moyens énergiques pour en finir, elle prendra des résolutions favorables. Que si, au contraire, vous ne stipulez pas bien vos conditions, vous périrez, Messieurs, et vous périrez en vous débattant dans le marasme. Et vous aurez appris, alors, que lorsqu'on vous promet que le rôle de la diplomatie sera court et très court, il est infiniment plus long. » Cette improvisation fut accueillie de bravos el de nombreux applaudissements. Et le 1er juillet, M. Charles de Brouckère ouvrait la discussion sur le traité des XVIII articles rappelant que le 2 juin le Congrès avait autorisé le Gouvernement à ouvrir des négociations sur les questions territoriales, au moyen d'indemnités pécuniaires, et de faire des propositions dans ce sens. En effet le résultat de ces négociations devait être soumis à l'appréciation et à la ratification du Congrès et dans tous les cas, rapport avait dû être fait au 30 juin, statuant définitivement sur le point de savoir si les négociations seraient rompues ou continuées. Par décret du 4 juin, en élisant le prince de Saxe-Cobourg, le Congrès avait mis pour condition expresse, de son élection, l'obligation de maintenir l'indépendance et l'intégrité du territoire. Il ne devait prendre possession du pouvoir qu'après avoir juré d'observer la constitution, et partant, son article premier qui fixait les limites du territoire. «Le Ministre devait faire rapport le 30 juin, disait M. de Brouckère, et le 28 il est monté à la tribune sans faire rapport sur les XVIII articles ; si le Ministre ne prend pas de conclusions, je considère ce refus comme une défection complète du ministère. Si au contraire il a envie de faire adopter les XVIII articles, il dira qu'il a trahi le pays, car il considère l'acceptation des protocoles comme une trahison. » Cette discussion sur les XVIII articles dura plus de huit jours.
Lorsqu'il s'agit de répondre au protocole du 20 janvier 1830, soumis par les plénipotentiaires des cinq grandes puissances à Londres, le Gouvernement provisoire remit une note diplomatique, d'un langage ferme et digne, faisant valoir qu'il était impossible de constituer un état indépendant, sans la garantie immédiate, de la liberté de l'Escaut, de la possession de la rive gauche de ce fleuve, de la province de Limbourg en entier, et du grand-duché de Luxembourg, sauf les relations avec la confédération germanique. Me Forgeur appuya cette réponse d'un vigoureux élan patriotique, et de fierté, et se distingua par un remarquable discours en disant : « ... que vouloir nous contester une partie du Limbourg, et le grand-duché de Luxembourg, était des prétentions qui n'avaient ni base ni fondement, méritant d'être flétries par le ridicule... Ne nous inquiétons pas des prétentions rie la Hollande, et soyons certains que tant que la Belgique tiendra le langage digne et ferme de la note du Comité diplomatique, ces prétentions s'évanouiront.
» J'émets le vœu de voir apporter dans nos discussions, celte dignité et cette observation des convenances qui siéent à une assemblée qui sait se respecter et se rendre respectable... »
Déjà en séance du 31 mars 1831, il présentait un projet de décret ainsi conçu :
« Au nom du peuple belge,
» Le Congrès National considérant que l'article premier de la Constitution déclare que les provinces de Limbourg et de Luxembourg font partie intégrante du territoire de la Belgique ; que ces provinces sont encore occupées en partie par l'ennemi ; que -si la voie des négociations a été impuissante, il faut recourir à d'autres mesures pour faire reconnaître les droits incontestables du peuple belge aux parties de son territoire.
» Décrète :
» Le Régent fera notifier au roi de Hollande que si, dans le délai d'un mois, il n'a pas renoncé à ses prétentions sur la rive gauche de l'Escaut, le Limbourg et le grand-duché de Luxembourg, il y sera contraint par la force des armes. »
L'avenir devait donner raison à cet homme clairvoyant et pourtant si jeune encore, qui s'était rassis au milieu des applaudissements de l'assemblée. Celle-ci néanmoins, devait par 126 voix contre 70, adopter les XVIII articles formant les préliminaires du Traité de paix entre la Belgique et la Hollande. Mais lorsqu'il s'agira pour ces mêmes puissances, qui dictèrent ce traité à la Belgique, de se coaliser pour défendre l'équilibre européen, menacé par les empires centraux, elles seront trop heureuses de trouver nos provinces et notre armée pour les aider. Cependant au jour de la rançon de la victoire, gagnée quatre-vingt-quatre ans plus tard, et dont nous étions les principaux artisans, il ne nous a même pas été permis de faire valoir nos droits sur cette rive gauche de l'Escaut, dont déjà en 1830 on disait : «... que sa possession était une question d'existence pour nous...»
Une fois la tâche du Congrès terminée, M. Forgeur abandonna la politique et n'y rentra que le 12 mai 1851 élu sénateur de Liège.
Cette grande et noble figure dont on a pu dire à sa mort qu'il fut l'orgueil de la cité liégeoise et de la patrie belge, mérite que son souvenir soit conservé par les générations futures.
Elles trouveront à suivre de tels exemples, des enseignements de véritable patriotisme, de profond désintéressement dans le service de la cause publique, et de sens politique d'une rare perspicacité.
L'œuvre de tels hommes, compte aujourd'hui cent ans, montrant au monde entier, naguère sceptique, la haute valeur de ses artisans. Fasse le ciel toutefois, que les générations montantes, se montrent à la hauteur de leur mission, incomparablement plus facile, et conserve intact le chef-d'œuvre admirable de notre constitution sur laquelle repose l'édifice grandiose de notre patrie une et indivisible.
Paul HEPTIA.
Pour plus d'information vir aussi : les interventions au Congrès national (1830-1831)
Détail de la vie du baron Joseph FORGEUR
Généalogie Forgeur
Respect de la vie privée.
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